Cinq sites pornos mis en demeure par le CSA : contrôle d’âge ou blocage !

Cinq sites pornos mis en demeure par le CSA : contrôle d’âge ou blocage !​

Le président du CSA vient d’activer la procédure d’injonction à l’encontre de cinq sites pornos dont Pornhub. Ils ont 15 jours pour mettre en place un contrôle d’âge, la simple déclaration de majorité sur leur page d’accueil n’étant plus suffisante. À défaut, l’autorité pourra enclencher une procédure de blocage d’accès en justice.

Quelques minutes après le communiqué du CSA adressé hier par mail, le député LReM Bruno Studer a applaudi la démarche initiée hier par l’autorité : « si l’industrie du porno fait recette et représente un lobby international particulièrement puissant, qu’il est difficile de réguler, les pouvoirs publics français n’en sont pas moins résolus à protéger de manière inédite les enfants des contenus inappropriés ».

« Cette action du régulateur, commente encore le président de la commission des affaires culturelles, est rendue possible par le travail du groupe LReM de l’Assemblée nationale, qui a porté et fait adopter la Loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, contenant cette disposition ».

Ce lundi, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel a en effet notifié la mise en demeure attendue depuis des mois par de nombreuses associations. Une injonction rendue possible par la réforme de l’été 2020.

La notification reproche aux éditeurs de Pornhub, Xnxx, Xvidéos, Tukif et xHamster de limiter le contrôle d’âge des internautes à une simple déclaration de majorité. Chaque site a maintenant 15 jours pour trouver une solution plus robuste.

À défaut ? Le chef de file de l’autorité pourra saisir le président du tribunal judiciaire pour demander le blocage d’accès entre les mains des principaux fournisseurs d’accès français, à l’instar de la procédure existante pour les jeux d’argent en ligne.

Les disclaimers ne sont plus un paravent suffisant​

Comme le rappelle Bruno Studer, cette disposition est née de la loi du 30 juillet 2020 contre les violences conjugales qui est venue muscler une disposition du Code pénal, qui à l’article 227-24 punit de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende… :

« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique, y compris des images pornographiques impliquant un ou plusieurs animaux, ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message ».​

La loi d’origine LREM a rajouté un alinéa à cette disposition pour prévoir que l’infraction reste constituée lorsque l’accès d’un mineur aux contenus en cause « résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans ».

D’un trait de plume, la disposition a donc éradiqué les disclaimers qui ne peuvent plus servir de paravent suffisant.
Dans la forge parlementaire, cette disposition a été taillée pour protéger les mineurs de l’exposition à la pornographique, mais elle s’applique également aux contenus incitant au terrorisme, ceux invitant les jeunes à se livrer à des jeux dangereux ou les exposant à des contenus violents. D’où le contrôle d’âge tout juste apposé par YouTube en amont de la vidéo de la déclaration de candidature d’Éric Zemmour.

Un contrôle d’âge voulu par Emmanuel Macron​

Cette loi n’est pas née au hasard. Elle est la cheville ouvrière du plan de bataille lancé par Emmanuel Macron dès novembre 2017.

Il dénonçait déjà le manque de régulation des contenus X : « Unissant monde virtuel, stéréotypes, domination et violence, la pornographie a trouvé, grâce aux outils numériques un droit de cité dans nos écoles ».

Lors de ce discours prononcé à l’occasion de la journée contre la violence faite aux femmes, le chef de l’État estimait qu’« aujourd’hui, la pornographie a franchi la porte des établissements scolaires comme naguère l’alcool ou la drogue. Nous ne pouvons pas d’un côté déplorer les violences faites aux femmes et de l’autre, fermer les yeux sur l’influence que peut exercer sur de jeunes esprits, un genre qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes qui passent pour consentantes ».

Le 20 novembre 2019 à l’UNESCO, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, et du 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, l’actuel président de la République marquait sa volonté de « préciser dans le Code pénal que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l’accès à la pornographie des mineurs de moins de 15 ans ».

De fait, la loi LREM contre les violences conjugales va plus loin puisque le Code pénal permet de frapper tous les sites X et violents dès lors qu’ils sont accessibles aux mineurs, même ceux âgés de 15 à 18 ans (moins un jour).

Relevons au passage que Laetitia Avia avait tenté d’apporter sa fidèle contribution à la voie tracée par l’Élysée en ajoutant les contenus pornographiques accessibles aux mineurs dans le périmètre de l’obligation de retrait en 24 heures pesant sur les plateformes d’hébergement comme Twitter. Seulement, la réforme portée par celle qui est également avocate n’avait pu passer le cap du Conseil constitutionnel, en raison de graves atteintes à la Déclaration des Droits de l’Homme.

Cyberhaine : la loi Avia largement censurée par le Conseil constitutionnel

Une saisine initiale stoppée par un grain de sable européen​

La loi portée par la députée LREM Bérangère Couillard a donc eu une destinée plus heureuse : elle a été publiée au Journal officiel le 31 juillet 2020, sans passer par la case du Conseil constitutionnel.

Le texte publié, trois associations sont rapidement montées au créneau, l’OPEN, la COFRADE et l’UNAF. Quatre mois plus tard, très exactement le 27 novembre 2020, elles saisissaient le président du CSA, via un courrier révélé dans nos colonnes.

Contrôle d’âge ou blocage : la lettre de saisine du CSA contre plusieurs sites pornographiques

Et pour cause, la loi Couillard n’a pas seulement désactivé les disclaimers. À l’article 23, elle a confié au président de l’autorité les clefs de la régulation du secteur.

En substance, quand il constate qu’un site contrevient aux dispositions de l’article 227-24 du Code pénal, parce qu’il rend accessibles aux mineurs des contenus violents ou pornos avec ou sans disclaimers, celui-ci peut adresser à l’éditeur « une mise en demeure lui enjoignant de prendre toute mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé ».

La personne alertée dispose alors d’un délai de quinze jours pour présenter ses observations. En cas d’inexécution de l’injonction, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner le blocage d’accès du site défectueux.


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Lors de leur saisine, l’OPEN, la COFRADE et l’UNAF avaient adressé une liasse de captures d’écran, réalisées devant huissier, pour forcer le CSA à constater lui-même l’accessibilité des contenus X sur plusieurs sites pornos :

Il s’agissait alors des six principaux sites mondiaux et français. « Un choix symbolique et rationnel, car nous n’avons pas vocation à faire bloquer tous les sites, déjà parce que les frais d’huissiers et d’avocats ne sont pas neutres », témoignait sur Next Inpact Thomas Rhomer, président de l’OPEN.

Une notification tardive, trois mois de retard​

La procédure avait cependant connu un incident de parcours. Dans un premier temps la France n’avait pas notifié le décret d’application de la loi Couillard, alors qu’en vertu de la directive « notification » 2015/1535, la Commission européenne se doit d’être alertée des projets envisagés par les États membres lorsqu’ils viennent encadrer le marché intérieur.

Nuages européens sur le blocage des sites X en France ?

Contestant notre analyse, le cabinet d’Adrien Taquet, secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, nous soutenait que cette loi « précise les pouvoirs des autorités, dans ce cas le CSA, constatant un délit et les modalités de leur action pour que ce délit cesse et soit sanctionné ». Dans son optique, le texte « ne crée pas une règle relative à la création d’un service numérique ni à la prestation d’un tel service. Cet article ne relève donc pas de l’obligation de notification au titre de la directive 2015/1535 ».

Finalement, le gouvernement avait changé de fusil d’épaule quelques heures plus tard. Il notifiait début avril 2021 le texte d’application, contredisant le secrétariat d’État. La procédure avait eu pour effet non seulement d’alerter la Commission européenne et l’ensemble des autres États membres, mais au surplus de bloquer la réforme française durant trois mois.

C’est le délai dit de statu quo, mis en place pour laisser à l’ensemble des homologues européens le temps nécessaire pour ausculter les effets de la régulation envisagé par un État membre. Avec interdiction totale d’appliquer la réforme dans l’intervalle, au risque de rendre la législation inapplicable.

De nouveaux constats réalisés par le CSA​

Avec cette épine européenne dans le pied, le CSA a été contraint de réactualiser l’ensemble des constats d’huissiers à partir de septembre, comme le précise chacune des notifications adressées aux cinq sites pornos.

Et maintenant ?​

Dans son rapport parlementaire en commission des lois, la rapporteure LREM Bérangère Couillard avait expliqué qu’il « revient aux éditeurs de sites de s’assurer que leurs contenus ne sont pas susceptibles d’être consultés par des mineurs ». Les sites en cause ont donc 15 jours pour trouver « la » solution de contrôle d’âge qui pourra satisfaire le président du CSA.

La démarche n’est visiblement pas impossible puisque si l’éditeur Jacquie et Michel avait été visé par la lettre de saisine initiale des trois associations, sa solution reposant sur My18Pass semble avoir convaincu l’autorité.

Il reste que cette initiative risque d’allumer une sacrée mèche. Pas plus tard que le 26 octobre dernier, Tukif a ainsi adressé au CSA une liste de 1 967 sites pornos se limitant toujours à un simple disclaimer d’âge.

Et pour cause, la procédure lancée contre cinq sites va engendrer un biais concurrentiel important avec les sites non alertés, ceux où les internautes pourront toujours se limiter à un clic sur « j’ai plus de 18 ans » pour consommer du X.

D‘ailleurs, relevons l’absence de YouPorn parmi les premières cibles du CSA, alors que le site, très populaire, se contente toujours de ce disclaimer.

La question des données à caractère personnel​

Pris dans un étau, les sites devront non seulement imaginer une solution qui satisfasse le CSA, mais sans faire l’impasse sur le règlement général sur la protection des données à caractère personnel (RGPD).

Saisie par le ministère de la Culture, la CNIL a ainsi rédigé un avis sur le décret d’application puisque, comme l’indique la délibération révélée par nos soins, « la mise en place de procédés techniques de vérification de la majorité d’âge des utilisateurs est susceptible d’entrainer la mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel ».

Vérification d’âge et sites pornos : la CNIL trace les lignes rouges

La Commission a rappelé à ce titre que « les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre aux fins de vérification de la majorité d’âge des utilisateurs souhaitant accéder aux contenus pornographiques doivent être proportionnés à la finalité poursuivie ».

De là, elle en a déduit que « la vérification de la majorité d’âge par les éditeurs diffusant eux-mêmes des contenus pornographiques ne doit pas les conduire à collecter des données directement identifiantes de leurs utilisateurs ».

Et pour cause, « une telle collecte de données présenterait, en effet, des risques importants pour les personnes concernées dès lors que leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité ».

La CNIL a donné quelques pistes, suggérant de passer par un tiers de confiance. Les solutions choisies par les éditeurs X devraient en ce sens « intégrer un mécanisme de double anonymat empêchant, d’une part, le tiers de confiance d’identifier le site ou l’application à l’origine d’une demande de vérification et, d’autre part, faisant obstacle à la transmission de données identifiantes relatives à l’utilisateur au site ou à l’application proposant des contenus pornographiques. »

Elle a déjà jugé contraire au RGPD :

  • « La collecte de justificatifs d’identité officiels, compte tenu des enjeux spécifiques attachés à ces documents et du risque d’usurpation d’identité lié à leur divulgation et détournement ».
  • « Les dispositifs destinés à estimer l’âge d’un utilisateur à partir d’une analyse de son historique de navigation, sans qu’en outre une telle collecte permette une estimation précise ».
  • « Les procédés techniques visant à vérifier la majorité d’âge ne sauraient conduire au traitement de données biométriques (…) compte tenu de la nature particulière de ces données et du fait que le recueil du consentement de la personne concernée ne pourrait être considéré comme libre s’il conditionne l’accès au contenu demandé ».

Pour parfaire cet encadrement, le décret d’application de la loi Couillard, publié le 8 octobre dernier, autorise le CSA à rédiger des lignes directrices concernant la fiabilité de ces outils de vérification d’âge.

Il peut à cette fin consulter à la fois l’Arcep et la CNIL pour rédiger ces lignes directrices. Cependant, l’édition de ces lignes n’est pas obligatoire et il revient bien à chaque site de trouver la solution adéquate.

Pornhub, Tukif ou xHamster remplacés par une page du CSA ?​

Si les 5 sites ne trouvent pas de martingale, ils pourront être bloqués par la justice. Le décret d’application prévient que les internautes devront alors être détournés vers une page d’information du CSA « indiquant les motifs de la mesure de blocage ».

Une forme de « main rouge » dédiée au porno, qui devrait néanmoins occasionner quelque surcharge de trafic sur les épaules des infrastructures du CSA, compte tenu de la popularité de ces sites.

Un travail collaboratif​

Relevons enfin que le CSA a remercié hier soir plusieurs personnes pour « leur aide précieuse dans la mise en application de ces nouvelles dispositions ».

Dans la liste des destinataires (en CC) d’un courrier que nous avons pu consulter, relevons la présence des auteurs de la saisine initiale, mais aussi des psychologues, la Hadopi, le Défenseur des droits, ou encore le SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) et Ubisoft.

Et bientôt, le contrôle parental installé par défaut​

Témoignage de la lutte anti-porno ouverte par l’Élysée, le gouvernement vient d’activer la « procédure accélérée » sur la proposition de loi d’origine LREM visant à préinstaller un contrôle parental sur les principaux écrans connectés.

Ce que prévoit la future loi LReM pour préinstaller le contrôle parental par défaut

Cette déclaration d’urgence limitera le nombre de navettes entre députés et sénateurs afin de faire voter le texte au plus vite. Il obligera les fabricants et les distributeurs à installer ces logiciels, que les parents pourront activer. La Hadopi, qui prépare ses cartons pour rejoindre l’Arcom, rêve déjà d’ajouter à ces solutions logicielles, une liste noire de sites de streaming et direct download illicites.

Source : Next Inpact

2 « J'aime »

Heureusement que c’est un blocage léger qui peut être facilement contourné

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L’hypocrisie l’emporte une fois de plus… comme si le porno était responsable des femmes battues et de la violence des enfants.
J’éspère que ça n’aboutira à rien, le porno est une passion pour moi c’est un art à part entière, et ça fait me chier qu’on empêche les gens de regarder du X en leur disant ce qui est bien ou pas.
Ce n’est pas en bloquant ses sites qu’on stoppera l’exploitation des femmes et ça n’aidera pas à l’éducation et à la protections des enfants. Pire que ça, si ils pensent que le porno n’existera plus après la disparition de ses sites, ils se trompent lourdement.

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Pour certain d’entre nous oui, ceux qui avons l’habitude de contourner certaine difficultés/blocage qu’on peut rencontrer sur le net (via vpn, proxy, changement de dns etc etc).
Pour d’autre se sera plus compliqué, ou payant ce qui est moche.

Et ce qui l’est encore plus c’est que comme dit justement @monkeyking c’est que c’est pas ça qui empêchera que des femmes soit maltraité, ni qui protégera nos gamins.

Le pire etant que le sexe a toujours fait tourner le monde, et que les mêmes qui nous propose ces lois répressives sous des motif divers et variés sont les 1er a en consommer.
Le tout au nom de la morale ^^

Le mal il est pas dans le fait d’aimer le sexe, ou d’aimer regarder du porno, le mal il est dans tout ce qui est caché.

Un exemple tout con, une famille de nudiste que je connais bien fréquente certains centre nudiste familiaux, et y côtoie bon nombre de famille comme elle. Et tout le monde parle de sexe librement dans cette famille, et ce comporte normalement. le plus âgé des fils a ds les 15 ans (l’age ont l’ont a la gaule pour peu de chose), ben se gamin devant des femmes nue sait ce comporter. Et ça pose aucun problème. Pas plus que s’il était habillé.

Dans bcp de famille « normal » on ne parle pas de sexe, et surtout on en vois pas, pas l’ombre d’un bout de début de téton. Résultat 1ere fille/femme nue qu’il vois, le comportement n’est pas le même.

Pk ? Le tabou. Plus on cache les chose du sexe, plus le tabou deviens fort, et plus y a de risque de partir de travers pour ces pauvres ados .

Malheureusement, c’est plus simple pour les décideurs de faire voter une loi (qui servira a rien) mais qui leur apportera un certain électorat, que d’éduquer les gamins.